Son Excellence Eugène Rougon

Son Excellence Eugène Rougon (paragraphe n°794)

Chapitre IV

Il parlait de l'empereur. Il avait ouvert les bras, dans un geste large, avec une lente majesté, comme pour rappeler la scène de l'église ; et il n'ajouta rien. Ses amis, autour de lui, se taisaient également. Ils faisaient, dans un coin de la place, un tout petit groupe. Devant eux, le défilé grossissait, les magistrats en robe, les officiers en grande tenue, les fonctionnaires en uniforme, une foule galonnée, chamarrée, décorée, qui piétinait les fleurs dont la place était couverte, au milieu des appels des valets de pied et des roulements brusques des équipages. La gloire de l'Empire à son apogée flottait dans la pourpre du soleil couchant, tandis que les tours de Notre-Dame toutes roses, toutes sonores, semblaient porter très haut, à un sommet de paix et de grandeur, le règne futur de l'enfant baptisé sous leurs voûtes. Mais eux, mécontents, ne sentaient qu'une immense convoitise leur venir de la splendeur de la cérémonie, des cloches sonnantes, des bannières déployées, de la ville enthousiaste, de ce monde officiel épanoui. Rougon, qui, pour la première fois, éprouvait le froid de sa disgrâce, avait la face très pâle ; et, rêvant, il jalousait l'empereur.

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