Son Excellence Eugène Rougon

Son Excellence Eugène Rougon (paragraphe n°869)

Chapitre V

Mais il avait repris son air paternel. Ses yeux gris, sous ses lourdes paupières, gardaient seuls une flamme, lorsqu'elle tournait la tête ; et il l'enveloppait alors tout entière d'un regard, avec la rage d'un homme poussé à bout, résolu à en finir. Cependant, il disait qu'elle pouvait bien lui donner encore cinq minutes. C'était si ennuyeux, le travail dans lequel elle l'avait trouvé, un rapport pour le Sénat, sur des pétitions ! Et il lui parla de l'impératrice, à laquelle elle vouait un véritable culte. L'impératrice était à Biarritz depuis huit jours. Alors, la jeune fille se renversa de nouveau au fond de son fauteuil, dans un bavardage sans fin. Elle connaissait Biarritz, elle y avait passé une saison, autrefois, quand cette plage n'était pas encore à la mode. Elle se désespérait de ne pouvoir y retourner, pendant le séjour de la cour. Puis, elle en vint à raconter une séance de l'Académie, où monsieur de Plouguern l'avait menée, la veille. On recevait un écrivain, qu'elle plaisantait beaucoup, parce qu'il était chauve. Elle tenait, d'ailleurs, les livres en horreur. Dès qu'elle s'entêtait à lire, elle devait se mettre au lit, avec des crises de nerfs. Elle ne comprenait pas ce qu'elle lisait. Quand Rougon lui eut dit que l'écrivain reçu la veille était un ennemi de l'empereur, et que son discours fourmillait d'allusions abominables, elle resta consternée.

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