Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°1175)

Partie : Partie 3, chapitre II

Pendant trois semaines, elle les retint ainsi. Henri était d'abord venu deux fois par jour, puis il passa les soirées entières, il donna à l'enfant toutes les heures dont il pouvait disposer. Au début, il avait craint une fièvre typhoïde ; mais des symptômes tellement contradictoires se présentaient, qu'il se trouva bientôt très perplexe. Il était sans doute en face d'une de ces affections chloroanémiques si insaisissables, et dont les complications sont terribles, à l'âge où la femme se forme dans l'enfant. Successivement, il redouta une lésion du cœur et un commencement de phtisie. Ce qui l'inquiétait, c'était l'exaltation nerveuse de Jeanne qu'il ne savait comment calmer, c'était surtout cette fièvre intense, entêtée, qui refusait de céder à la médication la plus énergique. Il apportait à cette cure toute son énergie et toute sa science, avec l'unique pensée qu'il soignait son bonheur, sa vie elle-même. Un grand silence, plein d'une attente solennelle, se faisait en lui ; pas une fois, pendant ces trois semaines d'anxiété, sa passion ne s'éveilla ; il nefrissonnait plus sous le souffle d'Hélène, et lorsque leurs regards se rencontraient, ils avaient la tristesse amicale de deux êtres que menace un malheur commun.

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