Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°1292)

Partie : Partie 3, chapitre III

Alors, justement, ce fut Jeanne qui fouetta leurs désirs. Toujours entre eux, avec ses regards qui les épiaient, elle les forçait à une contrainte continuelle, à une comédie d'indifférence dont ils sortaient plus frissonnants. Pendant des journées, ils ne pouvaient échanger un mot, en sentant qu'elle les écoutait, même lorsqu'elle paraissait prise de somnolence. Un soir, Hélène avait accompagné Henri ; dans l'antichambre, muette, vaincue, elle allait tomber entre ses bras, lorsque Jeanne, derrière la porte refermée, s'était mise à crier : " Maman ! maman ! " d'une voix furieuse, comme si elle avait reçu le contrecoup du baiser ardent dont le médecin effleurait les cheveux de sa mère. Vivement, Hélène dut rentrer, car elle venait d'entendre l'enfant sauter du lit. Elle la trouva grelottante, exaspérée, accourant en chemise. Jeanne ne voulait plus qu'on la quittât. A partir de ce jour, il ne leur resta qu'une poignée de main, à l'arrivée et au départ. Madame Deberle était depuis un mois aux bains de mer avec son petit Lucien ; le docteur, qui disposait de toutes ses heures, n'osait passer plus de dix minutes auprès d'Hélène. Ils avaientcessé leurs longues causeries, si douces, devant la fenêtre. Quand ils se regardaient, une flamme grandissante s'allumait dans leurs yeux.

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