Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°1360)

Partie : Partie 3, chapitre IV

Alors, Zéphyrin ratissa de plus belle. Jeanne, en effet, venait de lever les yeux. Le jeu la lassait un peu ; après les cailloux, elle avait ramassé des feuilles et arraché de l'herbe ; mais une paresse l'envahissait, elle jouait mieux à ne rien faire, à regarder le soleil qui la gagnait petit à petit. Tout à l'heure, ses jambes seules, jusqu'aux genoux, trempaient dans ce bain chaud de rayons ; maintenant, elle en avait jusqu'à la taille, et la chaleur montaittoujours, elle la sentait qui grandissait en elle comme une caresse, avec des chatouilles bien gentilles. Ce qui l'amusait surtout, c'étaient les taches rondes, d'un beau jaune d'or, qui dansaient sur son châle. On aurait dit des bêtes. Et elle renversait la tête, pour voir si elles grimperaient jusqu'à sa figure. En attendant, elle avait joint ses deux petites mains dans du soleil. Comme elles paraissaient maigres ! comme elles étaient transparentes ! Le soleil passait au travers, et elles lui semblaient jolies tout de même, d'un rose de coquillage, fines et allongées, pareilles aux menottes enfantines d'un Jésus. Puis, le grand air, ces gros arbres autour d'elle, cette chaleur, l'avaient un peu étourdie. Elle croyait dormir, et pourtant elle voyait, elle entendait. Cela était très bon, très doux.

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