Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°1470)

Partie : Partie 3, chapitre V

Elle tressaillit, elle n'osa protester. Le silence recommença. Dans la mer de ténèbres qui dormait devanteux, une étincelle avait lui. C'était à leurs pieds, quelque part dans l'abîme, à un endroit qu'ils n'auraient pu préciser. Et, une à une, d'autres étincelles parurent. Elles naissaient dans la nuit avec un brusque sursaut, tout d'un coup, et restaient fixes, scintillantes comme des étoiles. Il semblait que ce fût un nouveau lever d'astres, à la surface d'un lac sombre. Bientôt elles dessinèrent une double ligne, qui partait du Trocadéro et s'en allait vers Paris, par légers bonds de lumière ; puis, d'autres lignes de points lumineux coupèrent celle-ci, des courbes s'indiquèrent, une constellation s'élargit, étrange et magnifique. Hélène ne parlait toujours pas, suivant du regard ces scintillements, dont les feux continuaient le ciel au-dessous de l'horizon, dans un prolongement de l'infini, comme si la terre eût disparu et qu'on eût aperçu de tous côtés la rondeur céleste. Et elle retrouvait là l'émotion qui l'avait brisée quelques minutes auparavant, lorsque le Chariot s'était mis lentement à tourner autour de l'axe du pôle, le brancard en l'air. Paris, qui s'allumait, s'étendait, mélancolique et profond, apportant les songeries terrifiantes d'un firmament où pullulent les mondes.

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