Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°1570)

Partie : Partie 4, chapitre 1

La soirée s'avançait, une lassitude noyait les figures. Des dames, assises depuis trois heures sur le même fauteuil, avaient un air d'ennui inconscient, heureuses pourtant de s'ennuyer là. Entre deux morceaux, écoutés d'une oreille, les causeries reprenaient, et il semblait que ce fût la sonorité vide du piano qui continuât. Monsieur Letellier racontait qu'il était allé surveiller une commande de soie à Lyon ; les eaux de la Saône ne se mélangeaient pas aux eaux du Rhône, cela l'avait beaucoup frappé. Monsieur de Guiraud, un magistrat, laissait tomber des phrases sentencieuses sur la nécessité d'endiguer le vice à Paris. On entourait un monsieur qui connaissait un Chinois, et qui donnait des détails. Deux dames, dans un coin, échangeaient des confidences sur leurs domestiques. Cependant, dans le groupe de femmes où trônait Malignon, on causait littérature : madame Tissot déclarait Balzac illisible ; il ne disait pas non, seulement il faisait remarquer que Balzac avait, de loin en loin, une page bien écrite.

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