Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°1981)

Partie : Partie 4, chapitre V

Brusquement, Jeanne se tourna. Elle aurait juré qu'on avait marché dans la chambre ; même une main légère venait de lui effleurer l'épaule. Mais la chambre était vide, dans le lourd désordre où Hélène l'avait laissée ; le peignoir pleurait toujours, allongé, écrasé sur le traversin. Alors, Jeanne, toute blanche, fit d'un regard le tour de la pièce, et son cœur se brisa. Elle était seule, elle était seule. Mon Dieu ! sa mère, en partant, l'avait poussée, et très fort, à la jeter par terre. Cela lui revenait dans une angoisse, la douleur de cette brutalité la reprenait auxpoignets et aux épaules. Pourquoi l'avait-on battue ? Elle était gentille, elle n'avait rien à se reprocher. On lui parlait si doucement d'ordinaire, cette correction la révoltait. Elle éprouvait cette sensation de ses peurs d'enfant, lorsqu'on la menaçait du loup et qu'elle regardait, sans l'apercevoir ; c'était dans l'ombre comme des choses qui allaient l'écraser. Pourtant, elle se doutait, la face blêmie, peu à peu gonflée d'une colère jalouse. Tout d'un coup, la pensée que sa mère devait aimer plus qu'elle les gens où elle avait couru, en la bousculant si fort, lui fit porter les deux mains à sa poitrine. Elle savait à présent. Sa mère la trahissait.

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