Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°1986)

Partie : Partie 4, chapitre V

La pluie tombait toujours. Quelle heure pouvait-il être, maintenant ? Jeanne n'aurait pas pu dire. Peut-être la pendule ne marchait-elle plus. Cela lui paraissait trop fatigant de se retourner. Il y avait au moins huit jours que sa mère était partie. Elle avait cessé de l'attendre, elle se résignait à ne plus la revoir. Puis, elle oubliait tout, les misères qu'on lui avait faites, le mal étrange dont elle venait de souffrir, même l'abandon où le monde la laissait. Une pesanteur descendait en elle avec un froid de pierre. Elle était seulement bien malheureuse, oh ! malheureuse autant que les petits pauvres perdus sous les portes, auxquels elle donnait des sous. Jamais ça ne s'arrêterait, elle serait ainsi pendant des années, c'était trop grand et trop lourd pour une petite fille. Mon Dieu ! comme on toussait, comme on avait froid, quand on nevous aimait plus ! Elle fermait ses paupières appesanties, dans le vertige d'un assoupissement fiévreux, et sa dernière pensée était un vague souvenir d'enfance, une visite à un moulin, avec du blé jaune, des graines toutes petites, qui coulaient sous des meules grosses comme des maisons.

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