Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°2073)

Partie : Partie 5, chapitre 1

Rosalie consentit à se rasseoir. Zéphyrin, qui se tenait debout, salua militairement et coupa de nouveau sa viande, en élargissant les coudes, pour montrer qu'il savait se conduire. Quand ils mangeaient ainsi ensemble, après le dîner de Madame, ils ne tiraient même pas la table au milieu de la cuisine, ils préféraient se mettre côte à côte, le nez tourné vers la muraille. De cette façon, ils pouvaient se donner des coups de genou, se pincer, s'allonger des claques, sans perdre un morceau ; et, s'ils levaient les yeux, ils avaient la vue réjouissante des casseroles. Un bouquet de laurier et de thym pendait, la boîte aux épices avait une odeur poivrée. Autour d'eux, la cuisine, qui n'était pas rangée encore, étalait la débandade de la desserte, mais elle restait bien agréable tout de même pour des amoureux de bel appétit, se payant là des choses dont on ne servait jamais à la caserne. Ça sentait surtout le rôti, relevé d'une pointe de vinaigre, le vinaigre de la salade. Les reflets du gaz dansaient dans les cuivres et dans les fers battus. Comme le fourneau chauffait terriblement, ils avaient entrouvert la fenêtre, et des souffles de vent frais, venus du jardin, gonflaient le rideau de cotonnade bleue.

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