Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°2306)

Partie : Partie 5, chapitre III

Pendant ces trois semaines de souffrances, bien des fois elle s'était ainsi tournée vers la ville étalée à l'horizon. Sa face devenait grave, elle songeait. A cetteheure dernière, Paris souriait sous le blond soleil d'avril. Du dehors venaient des souffles tièdes, des rires d'enfants, des appels de moineaux. Et la mourante mettait ses forces suprêmes à voir encore, à suivre les fumées volantes qui montaient des faubourgs lointains. Elle retrouvait ses trois connaissances, les Invalides, le Panthéon, la tour Saint-Jacques ; puis, l'inconnu commençait, ses paupières lasses se fermaient à demi, devant la mer immense des toitures. Peut-être rêvait-elle qu'elle était peu à peu très légère, qu'elle s'envolait comme un oiseau. Enfin, elle allait donc savoir, elle se poserait sur les dômes et sur les flèches, elle verrait, en sept ou huit coups d'aile, les choses défendues que l'on cache aux enfants. Mais une inquiétude nouvelle l'agita, ses mains cherchaient encore ; et elle ne se calma que lorsqu'elle tint sa grande poupée dans ses petits bras contre sa poitrine. Elle voulait l'emporter avec elle. Ses regards se perdaient au loin, parmi les cheminées toutes roses de soleil.

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