Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°2372)

Partie : Partie 5, chapitre IV

Dehors, le cortège défila. Au coin de la rue Vineuse, une femme en cheveux, les pieds chaussés de savates, pleurait et s'essuyait les joues avec le coin de son tablier.Quelques personnes s'étaient mises aux fenêtres, des exclamations apitoyées montèrent dans le silence de la rue. Le corbillard roulait sans bruit, tendu de draperies blanches à franges d'argent ; on entendait seulement les pas cadencés des deux chevaux blancs, assourdis sur la terre battue de la chaussée. C'était comme une moisson de fleurs, de bouquets et de couronnes, que ce char emportait ; on ne voyait pas la bière, de légers cahots secouaient les gerbes amoncelées, le char derrière lui semait des branches de lilas. Aux quatre coins, volaient de longs rubans de moire blanche, que tenaient quatre petites filles, Sophie et Marguerite, une demoiselle Levasseur et la petite Guiraud, celle-ci si mignonne, si trébuchante, que sa mère l'accompagnait. Les autres, en troupe serrée, entouraient le corbillard, avec leurs touffes de roses à la main. Elles marchaient doucement, leurs voiles s'enlevaient, les roues tournaient au milieu de cette mousseline, comme portées sur un nuage, où souriaient des têtes délicates de chérubins. Puis, derrière, à la suite de monsieur Rambaud, le visage pâle et baissé, venaient des dames, quelques petits garçons, Rosalie, Zéphyrin, les domestiques des Deberle. Cinq voitures de deuil, vides, suivaient. Dans la rue, pleine de soleil, des pigeons blancs prirent leur vol, au passage de ce char du printemps.

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