Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°2385)

Partie : Partie 5, chapitre IV

Les petites filles agenouillées se levaient comme un vol de moineaux blancs. Quelques-unes, trop petites, les genoux perdus dans leurs jupes, s'étaient assises par terre ; on dut les ramasser. Pendant qu'on descendait Jeanne, les grandes avaient allongé la tête, pour voir au fond du trou. C'était très noir, un frisson les pâlissait. Sophie assurait tout bas qu'on restait là-dedans des années, des années. La nuit aussi ? demandait une des demoiselles Levasseur. Certainement, la nuit aussi, toujours. Oh ! la nuit, Blanche y serait morte. Toutes se regardaient, les yeux très grands, comme si elles venaient d'entendre une histoire de voleurs. Mais quand elles furent debout, lâchées autour du caveau, elles redevinrentroses ; ce n'était pas vrai, on disait des contes pour rire. Il faisait trop bon, ce jardin était joli avec ses grandes herbes ; comme on aurait fait de belles parties de cache-cache, derrière toutes ces pierres ! Les petits pieds dansaient déjà, les robes blanches battaient, pareilles à des ailes. Dans le silence des tombes, la pluie tiède et lente du soleil épanouissait cette enfance. Lucien avait fini par fourrer la main sous le voile de Marguerite ; il touchait ses cheveux, il voulait savoir si elle ne mettait rien dessus, pour qu'ils fussent si jaunes. La petite se rengorgeait. Puis, il lui dit qu'ils se marieraient ensemble. Marguerite voulait bien, mais elle avait peur qu'il ne lui tirât les cheveux. Il les touchait encore, il les trouvait doux comme du papier à lettres.

?>