Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°2401)

Partie : Partie 5, chapitre V

Monsieur Rambaud, cependant, s'était approché du parapet de la terrasse. Hélène alla le rejoindre. Alors, la vue du monsieur alluma les yeux de la mère Fétu. Elle ne le connaissait pas, celui-là ; ce devait être un nouveau. Traînant les pieds, elle marcha derrière Hélène, enappelant sur elle toutes les bénédictions du paradis ; et, lorsqu'elle fut près de monsieur Rambaud, elle reparla du docteur. En voilà un qui aurait un bel enterrement, quand il mourrait, si les pauvres gens, qu'il avait soignés pour rien, suivaient son corps ! Il était un peu coureur, personne ne disait le contraire. Des dames de Passy le connaissaient bien. Mais ça ne l'empêchait pas d'adorer sa femme, une femme si gentille, qui aurait pu se mal conduire et qui n'y songeait seulement plus. Un vrai ménage de tourtereaux. Est-ce que Madame leur avait dit bonjour ? Ils étaient pour sûr chez eux, elle venait de voir les persiennes ouvertes, rue Vineuse. Ils aimaient tant Madame autrefois, ils seraient si heureux de l'embrasser ! En mâchant ces bouts de phrases, la vieille guignait monsieur Rambaud. Il l'écoutait, avec sa tranquillité de brave homme. Les souvenirs évoqués devant lui ne mettaient pas une ombre sur son visage paisible. Il crut seulement remarquer que l'acharnement de cette mendiante importunait Hélène, et il fouilla dans sa poche, il lui fit à son tour une aumône, en l'éloignant du geste. Lorsqu'elle vit une seconde pièce blanche, la mère Fétu éclata en remerciements. Elle achèterait un peu de bois, elle chaufferait son mal ; il n'y avait plus que ça pour lui calmer le ventre. Oui, un vrai ménage de tourtereaux à preuve que la dame était accouchée, l'autre hiver, d'un deuxième enfant, une belle petite fille, rose et grasse, qui devait aller sur ses quatorze mois. Le jour du baptême, à la porte de l'église, le docteur lui avait mis cent sous dans la main. Ah ! les bons cœurs se rencontrent, Madame lui portait chance. Faites, mon Dieu ! que Madame n'ait pas un chagrin, comblez-la de toutes les prospérités ! Au nom du Père, du Fils, du Saint-Esprit, ainsi soit-il !

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