Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°2404)

Partie : Partie 5, chapitre V

Une seule pensée revenait en elle comme un écho. Ils avaient eu un enfant, une petite fille rose et grasse ; et elle la voyait à l'âge adorable où Jeanne commençait à parler. Les petites filles sont si mignonnes à quatorzemois ! Elle comptait les mois ; quatorze, cela faisait presque deux ans, en tenant compte des autres ; juste l'époque, à quinze jours près. Alors, elle eût une vision ensoleillée de l'Italie, un pays idéal, avec des fruits d'or, où les amants s'en allaient sous des nuits embaumées, les bras à la taille. Henri et Juliette marchaient devant elle, dans un clair de lune. Ils s'aimaient comme des époux qui redeviennent des amants. Une petite fille rose et grasse, dont les chairs nues rient au soleil, tandis qu'elle essaie de bégayer des mots confus que sa mère étouffe sous des baisers ! Et elle pensait à ces choses sans colère, le cœur muet, élargissant encore sa sérénité dans la tristesse. Le pays du soleil avait disparu, elle promenait ses lents regards sur Paris, dont l'hiver raidissait le grand corps. Des colosses de marbre semblaient couchés dans la paix souveraine de leur froideur, les membres las d'une vieille souffrance qu'ils ne sentaient plus. Un trou bleu s'était fait au-dessus du Panthéon.

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