Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°2405)

Partie : Partie 5, chapitre V

Pourtant, ses souvenirs redescendaient les jours. Elle avait vécu dans une stupeur, à Marseille. Un matin, en passant rue des Petites-Maries, elle s'était mise à sangloter devant la maison de son enfance. C'était la dernière fois qu'elle avait pleuré. Monsieur Rambaud venait souvent ; elle le sentait autour d'elle comme une protection. Il n'exigeait rien, il n'ouvrait jamais son cœur. Vers l'automne, elle l'avait vu entrer un soir, les yeux rouges, brisé par un grand chagrin : son frère, l'abbé Jouve, était mort. A son tour, elle l'avait consolé. Ensuite, elle ne se rappelait plus nettement. L'abbé semblait sans cesse derrière eux, elle cédait à la résignation dont il l'enveloppait. Puisqu'il voulait encore cette chose, elle netrouvait pas de raison pour refuser. Cela lui paraissait très sage. D'elle-même, comme son deuil prenait fin, elle avait réglé posément les détails avec monsieur Rambaud. Les mains de son vieil ami tremblaient de tendresse éperdue. Comme elle voudrait, il l'attendait depuis des mois, un signe lui suffisait. Ils s'étaient mariés en noir. Le soir des noces, lui aussi avait baisé ses pieds nus, ses beaux pieds de statue qui redevenaient de marbre. Et la vie se déroulait de nouveau.

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