Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°2408)

Partie : Partie 5, chapitre V

Et Hélène se disait qu'elle ne connaissait pas Henri. Pendant un an, elle l'avait vu presque chaque jour ; il était resté des heures et des heures à se serrer contre elle, à causer, les yeux dans les yeux. Elle ne le connaissait pas. Un soir, elle s'était donnée et il l'avait prise. Elle ne le connaissait pas, elle faisait un immense effort sans pouvoir comprendre. D'où venait-il ? Comment se trouvait-il près d'elle ? Quel homme était-ce pour qu'elle lui eût cédé, elle qui serait plutôt morte que de céder à un autre ? Elle l'ignorait, il y avait là un vertige où chancelait sa raison. Au dernier comme au premier jour, il lui restait étranger. Vainement elle réunissait les petits faits épars, ses paroles, ses actes, tout ce qu'elle se rappelait de sa personne. Il aimait sa femme et son enfant, il souriait d'un air fin, il gardait l'attitude correcte d'un homme bien élevé. Puis, elle revoyait son visage en feu, ses mains égarées de désirs. Des semaines coulaient, il disparaissait, il était emporté. A cette heure, elle n'aurait su dire où elle lui avait parlé pour la dernière fois. Il passait, son ombre s'en était allée avec lui. Et leur histoire n'avait pas d'autre dénouement. Elle ne le connaissait pas.

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