Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°480)

Partie : Partie 1, chapitre V

Ce matin-là, Paris mettait une paresse souriante à s'éveiller. Une vapeur, qui suivait la vallée de la Seine, avait noyé les deux rives. C'était une buée légère, comme laiteuse, que le soleil peu à peu grandi éclairait. On nedistinguait rien de la ville, sous cette mousseline flottante, couleur du temps. Dans les creux, le nuage épaissi se fonçait d'une teinte bleuâtre, tandis que, sur de larges espaces, des transparences se faisaient, d'une finesse extrême, poussière dorée où l'on devinait l'enfoncement des rues ; et, plus haut, des dômes et des flèches déchiraient le brouillard, dressant leurs silhouettes grises, enveloppés encore des lambeaux de la brume qu'ils trouaient. Par instants, des pans de fumée jaune se détachaient avec le coup d'aile lourd d'un oiseau géant, puis se fondaient dans l'air qui semblait les boire. Et, au-dessus de cette immensité, de cette nuée descendue et endormie sur Paris, un ciel très pur, d'un bleu effacé, presque blanc, déployait sa voûte profonde. Le soleil montait dans un poudroiement adouci de rayons. Une clarté blonde, du blond vague de l'enfance, se brisait en pluie, emplissait l'espace de son frisson tiède. C'était une fête, une paix souveraine et une gaieté tendre de l'infini, pendant que la ville, criblée de flèches d'or, paresseuse et somnolente, ne se décidait point à se montrer sous ses dentelles.

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