Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°887)

Partie : Partie 2, chapitre IV

Le rideau rouge, lentement, s'ouvrit ; et, dans l'embrasure de la porte, apparut un théâtre de marionnettes. Alors, un silence régna. Tout d'un coup, Polichinelle jaillit de la coulisse, en jetant un " couic " si féroce, que le petit Guiraud y répondit par une exclamation terrifiée et charmée. C'était une de ces pièces effroyables, où Polichinelle, après avoir rossé le commissaire, tue le gendarme et piétine avec une furieuse gaieté sur toutes les lois divines et humaines. A chaque coup de bâton qui fendait les têtes de bois, le parterreimpitoyable poussait des rires aigus ; et les coups de pointe enfonçant les poitrines, les duels où les adversaires tapaient sur leurs crânes comme sur des courges vides, les massacres de jambes et de bras dont les personnages sortaient en marmelade, redoublaient les fusées de rires qui partaient de tous côtés, sans pouvoir s'éteindre. Puis, lorsque Polichinelle scia le cou du gendarme, au bord du théâtre, ce fut le comble, l'opération causa une joie si énorme que les rangées des spectateurs se bousculaient, tombant les unes sur les autres. Une petite fille de quatre ans, rose et blanche, serrait béatement ses menottes contre son cœur, tant elle trouvait ça gentil. D'autres applaudissaient, tandis que les garçons riaient, la bouche ouverte, d'un ton grave qui accompagnait les gammes flûtées des demoiselles.

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