Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°940)

Partie : Partie 2, chapitre IV

Mais le piano ne s'arrêtait pas. La petite Guiraud, avec son papillon noir d'Alsacienne sur ses cheveux blonds, dansait au bras d'un Arlequin deux fois plus grand qu'elle. Un Ecossais faisait tourner si rapidement Marguerite Tissot, qu'elle perdait en chemin sa boire de laitière. Les deux Berthier, Blanche et Sophie, qui étaient inséparables, sautaient ensemble, la soubrette aux bras de la Folie, dont les grelots tintaient. Et l'on ne pouvait jeter un coup d'œil sur le bal sans rencontrer une demoiselleLevasseur ; les Chaperons rouges semblaient se multiplier ; il y avait partout des toquets et des robes de satin ponceau à bandes de velours noir. Cependant, pour danser à l'aise, de grands garçons et de grandes filles s'étaient réfugiés au fond de l'autre salon. Valentine de Chermette, enveloppée dans sa mantille d'espagnole, faisait là des pas savants, en face d'un jeune monsieur qui était venu en habit. Tout d'un coup, il y eut des rires, on appela le monde, pour voir : c'était, derrière une porte, dans un coin, le petit Guiraud, le Pierrot de deux ans, et une petite fille de son âge, habillée en paysanne, qui se tenaient embrassés, se serrant bien fort, de peur de tomber, et tournant tout seuls, comme des sournois, la joue contre la joue.

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