Une page d'amour

Une page d'amour (paragraphe n°960)

Partie : Partie 2, chapitre V

Hélène, devant cette ville morne, songeait qu'elle ne connaissait pas Henri. Elle était très forte, à présent que son image ne la poursuivait plus. Une révolte la poussait à nier cette possession qui, en quelques semaines, l'avait emplie de cet homme. Non, elle ne le connaissait pas.Elle ignorait tout de lui, ses actes, ses pensées ; elle n'aurait même pu dire s'il était une grande intelligence. Peut-être manquait-il de cœur plus encore que d'esprit. Et elle épuisait ainsi toutes les suppositions, se gonflant le cœur de l'amertume qu'elle trouvait au fond de chacune, se heurtant toujours à son ignorance, à ce mur qui la séparait d'Henri et qui l'empêchait de le connaître. Elle ne savait rien, elle ne saurait jamais rien. Elle ne se l'imaginait plus que brutal, lui soufflant des paroles de flamme, lui apportant le seul trouble qui, jusqu'à cette heure, eût rompu l'équilibre heureux de sa vie. D'où venait-il donc pour la désoler de la sorte ? Tout d'un coup, elle pensa que, six semaines auparavant, elle n'existait pas pour lui, et cette idée lui fut insupportable. Mon Dieu ! n'être pas l'un pour l'autre, passer sans se voir, ne point se rencontrer peut-être ! Elle avait joint désespérément les mains, des larmes mouillaient ses yeux.

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