Germinal – 1063

L’influence d’Etienne s’élargissait, il révolutionnait peu à peu le coron. C’était une propagande sourde, d’autant plus sûre, qu’il grandissait dans l’estime de tous. La Maheude, malgré sa défiance de ménagère prudente, le traitait avec considération, en jeune homme qui la payait exactement, qui ne buvait ni ne jouait, le nez toujours dans un livre ; et elle lui faisait, chez les voisines, une réputation de garçon instruit, dont celles-ciabusaient, en le priant d’écrire leurs lettres. Il était une sorte d’homme d’affaires, chargé des correspondances, consulté par les ménages sur les cas délicats. Aussi, dès le mois de septembre, avait-il créé enfin sa fameuse caisse de prévoyance, très précaire encore, ne comptant que les habitants du coron ; mais il espérait bien obtenir l’adhésion des charbonniers de toutes les fosses, surtout si la Compagnie, restée passive, ne le gênait pas davantage. On venait de le nommer secrétaire de l’association, et il touchait même de petits appointements, pour ses écritures. Cela le rendait presque riche. Si un mineur marié n’arrive pas à joindre les deux bouts, un garçon sobre, n’ayant aucune charge, peut réaliser des économies.