Germinal – 1600

Quand il rentra au coron, d’ailleurs, des choses graves qu’il apprit lui firent oublier l’aventure. Le bruit courait que la Compagnie consentirait peut-être à une concession, si les délégués tentaient une nouvelle démarche près du directeur. Du moins, des porions avaient répandu ce bruit. La vérité était que, dans la lutte engagée, la mine souffrait pis encore que les mineurs. Des deux côtés, l’obstination entassait des ruines : tandis que le travail crevait de faim, le capital se détruisait. Chaque jour de chômage emportait des centaines de mille francs. Toute machine qui s’arrête est une machine morte. L’outillage et le matériel s’altéraient, l’argent immobilisé fondait, comme une eau bue par du sable. Depuis que le faible stock de houille s’épuisait sur le carreau des fosses, la clientèle parlait de s’adresser en Belgique ; et il y avait là, pour l’avenir, une menace. Mais ce qui effrayait surtout la Compagnie, ce qu’elle cachait avec soin, c’étaient les dégâts croissants, dans les galeries et les tailles. Les porions ne suffisaient pas au raccommodage, les bois cassaient de toutes parts, des éboulements se produisaient à chaque heure. Bientôt, les désastres étaient devenus tels, qu’ils devaient nécessiter de longs mois de réparation, avant que l’abattage pût être repris. Déjà, des histoires couraient la contrée : à Crèvecœur, trois cents mètres de voie s’étaient effondrés d’un bloc, bouchant l’accès de la veine Cinq-Paumes ; à Madeleine, la veineMaugrétout s’émiettait et s’emplissait d’eau. La Direction refusait d’en convenir, lorsque, brusquement, deux accidents, l’un sur l’autre, l’avaient forcée d’avouer. Un matin, près de la Piolaine, on trouva le sol fendu au-dessus de la galerie nord de Mirou, éboulée de la veille ; et, le lendemain, ce fut un affaissement intérieur du Voreux qui ébranla tout un coin de faubourg, au point que deux maisons faillirent disparaître.