Vers deux heures, les femmes du coron tentèrent, de leur côté, une démarche près de Maigrat. Il n’y avait plus que cet espoir, fléchir cet homme, lui arracher une nouvelle semaine de crédit. C’était une idée de la Maheude, qui comptait souvent trop sur le bon cœur des gens. Elle décida la Brûlé et la Levaque à l’accompagner ; quant à la Pierronne, elle s’excusa, elle raconta qu’elle ne pouvait quitter Pierron, dont la maladie n’en finissait pas de guérir. D’autres femmes se joignirent à la bande, elles étaient bien une vingtaine. Lorsque les bourgeois de Montsou les virent arriver, tenant la largeur de la route, sombres et misérables, ils hochèrent la tête d’inquiétude. Des portes se fermèrent, une dame cacha son argenterie.On les rencontrait ainsi pour la première fois, et rien n’était d’un plus mauvais signe : d’ordinaire, tout se gâtait, quand les femmes battaient ainsi les chemins. Chez Maigrat, il y eut une scène violente. D’abord, il les avait fait entrer, ricanant, feignant de croire qu’elles venaient payer leurs dettes : ça, c’était gentil, de s’être entendu, pour apporter l’argent d’un coup. Puis, dès que la Maheude eut pris la parole, il affecta de s’emporter. Est-ce qu’elles se fichaient du monde ? Encore du crédit, elles rêvaient donc de le mettre sur la paille ? Non, plus une pomme de terre, plus une miette de pain ! Et il les renvoyait à l’épicier Verdonck, aux boulangers Carouble et Smelten, puisqu’elles se servaient chez eux, maintenant. Les femmes l’écoutaient d’un air d’humilité peureuse, s’excusaient, guettaient dans ses yeux s’il se laissait attendrir. Il recommença à dire des farces, il offrit sa boutique à la Brûlé, si elle le prenait pour galant. Une telle lâcheté les tenait toutes, qu’elles en rirent ; et la Levaque renchérit, déclara qu’elle voulait bien, elle. Mais il fut aussitôt grossier, il les poussa vers la porte. Comme elles insistaient, suppliantes, il en brutalisa une. Les autres, sur le trottoir, le traitèrent de vendu, tandis que la Maheude, les deux bras en l’air dans un élan d’indignation vengeresse, appelait la mort, en criant qu’un homme pareil ne méritait pas de manger.