Germinal – 1604

Le retour au coron fut lugubre. Quand les femmes rentrèrent les mains vides, les hommes les regardèrent, puis baissèrent la tête. C’était fini, la journée s’achèverait sans une cuillerée de soupe ; et les autres journées s’étendaient dans une ombre glacée, où ne luisait pas un espoir. Ils avaient voulu cela, aucun ne parlait de serendre. Cet excès de misère les faisait s’entêter davantage, muets, comme des bêtes traquées, résolues à mourir au fond de leur trou, plutôt que d’en sortir. Qui aurait osé parler le premier de soumission ? on avait juré avec les camarades de tenir tous ensemble, et tous tiendraient, ainsi qu’on tenait à la fosse, quand il y en avait un sous un éboulement. Ça se devait, ils étaient là-bas à une bonne école pour savoir se résigner ; on pouvait se serrer le ventre pendant huit jours, lorsqu’on avalait le feu et l’eau depuis l’âge de douze ans ; et leur dévouement se doublait ainsi d’un orgueil de soldats, d’hommes fiers de leur métier, ayant pris dans leur lutte quotidienne contre la mont une vantardise du sacrifice.