Germinal – 1732

A présent, Zacharie, Mouquet et les deux autres avalaient les kilomètres, sans autre repos que le temps de vider des chopes, dans tous les cabarets qu’ils se donnaient pour but. Des Herbes-Rousses, ils avaient filé à Buchy, puis à la Croix-de-Pierre, puis à Chamblay. La terre sonnait sous la débandade de leurs pieds, galopant sans relâche à la suite de la cholette, qui rebondissait sur la glace : c’était un bon temps, on n’enfonçait pas, on ne courait que le risque de se casser les jambes. Dans l’air sec, les grands coups de crosse pétaient, pareils à des coups de feu. Les mains musculeuses serraient le manche ficelé, le corps entier se lançait, comme pour assommer un bœuf ; et cela pendant des heures, d’un bout à l’autre de la plaine, par-dessus les fossés, les haies, les talus des routes, les murs bas des enclos. Il fallait avoir de bons soufflets dans la poitrine et des charnières en fer dans les genoux. Les haveurs s’y dérouillaient de la mine avec passion. Il y avait des enragés de vingt-cinq ans qui faisaient dix lieues. A quarante, on ne cholait plus, on était trop lourd.