Germinal – 1759

Une acclamation roula jusqu’à lui, du fond de la forêt. La lune, maintenant, blanchissait toute la clairière, découpait en arêtes vives la houle des têtes, jusqu’aux lointains confus des taillis, entre les grands troncs grisâtres. Et c’était, sous l’air glacial, une furie de visages, des yeux luisants, des bouches ouvertes, tout un rut depeuple, les hommes, les femmes, les enfants, affamés et lâchés au juste pillage de l’antique bien dont on les dépossédait. Ils ne sentaient plus le froid, ces ardentes paroles les avaient chauffés aux entrailles. Une exaltation religieuse les soulevait de terre, la fièvre d’espoir des premiers chrétiens de l’Eglise, attendant le règne prochain de la justice. Bien des phrases obscures leur avaient échappé, ils n’entendaient guère ces raisonnements techniques et abstraits ; mais l’obscurité même, l’abstraction élargissait encore le champ des promesses, les enlevait dans un éblouissement. Quel rêve ! être les maîtres, cesser de souffrir, jouir enfin !