Germinal – 1860

A neuf heures, lorsque madame Hennebeau arriva dans sa voiture, avec Cécile, elle trouva Lucie et Jeanne toutes prêtes, très élégantes malgré leurs toilettes vingt fois refaites. Mais Deneulin s’étonna, en apercevant Négrel qui accompagnait la calèche à cheval. Quoi donc, les hommes en étaient ? Alors, madame Hennebeau expliqua de son air maternel qu’on l’avait effrayée, que les chemins étaient pleins de mauvaises figures, disait-on, et qu’elle préférait emmener un défenseur. Négrel riait, les rassurait : rien d’inquiétant, des menaces de braillards comme toujours, mais pas un qui oserait jeter une pierre dans une vitre. Encore joyeux de son succès, Deneulin raconta la révolte réprimée de Jean-Bart. Maintenant, il se disait bien tranquille. Et, sur la route de Vandame, pendant que ces demoiselles montaient en voiture, tous s’égayaient de cette journée superbe, sans deviner au loin, dans la campagne, le long frémissement qui s’enflait, le peuple en marche dont ils auraient entendu le galop, s’ils avaient collé l’oreille contre la terre.