Germinal – 1865

Bientôt, la calèche fila en plaine. Négrel plaisantait la légende, expliquait comment le feu prenait le plus souvent au fond d’une mine, par la fermentation des poussières du charbon ; quand on ne pouvait s’en rendre maître, il brûlait sans fin ; et il citait une fosse de Belgique qu’on avait inondée, en détournant et en jetant dans le puits une rivière. Mais il se tut, des bandes de mineurs croisaient à chaque minute la voiture, depuis un instant. Ils passaient silencieux, avec des regards obliques, dévisageant ce luxe qui les forçait à se ranger. Leur nombre augmentait toujours, les chevaux durent marcher au pas, sur le petit pont de la Scarpe. Que se passait-il donc, pour que ce peuple fût ainsi par les chemins ? Ces demoiselles s’effrayaient, Négrel commençait à flairer quelque bagarre, dans la campagne frémissante ; et ce fut un soulagement lorsqu’on arriva enfin à Marchiennes. Sous le soleil qui semblait les éteindre, les batteries des fours à coke et les tours des hauts fourneaux lâchaient des fumées, dont la suie éternelle pleuvait dans l’air.