Germinal – 1940

Deux fois, Chaval interrogea Catherine, sans obtenir de réponse. Que fichait-elle là-dessous, est-ce qu’elle avait laissé tomber sa langue ? Elle pouvait bien lui dire si elle tenait bon. On montait depuis une demi-heure ; mais si lourdement, qu’il en était seulement à la cinquante-neuvième échelle. Encore quarante-trois. Catherine finit par bégayer qu’elle tenait bon tout de même. Il l’aurait traitée de couleuvre, si elle avait avoué sa lassitude. Le fer des échelons devait lui entamer les pieds, il lui semblait qu’on la sciait là, jusqu’à l’os. Après chaque brassée, elle s’attendait à voir ses mains lâcher les montants, pelées et roidies au point de ne pouvoir fermer les doigts ; et elle croyait tomber en arrière, les épaules arrachées, les cuisses démanchées, dans leur continuel effort. C’était surtout du peu de pente des échelles qu’elle souffrait, de cette plantation presque droite, qui l’obligeait de se hisser à la force des poignets, le ventre collé contre le bois. L’essoufflement des haleines à présent couvrait le roulement des pas, un râle énorme, décuplé par la cloison du goyot, s’élevait du fond, expirait au jour. Il y eut un gémissement, des mots coururent, un galibot venait de s’ouvrir le crâne à l’arête d’un palier.