Germinal – 1944

Vers sept heures et demie, comme le soleil se levait, un autre bruit circula, rassurant les impatients. C’était une fausse alerte, une simple promenade militaire, ainsi que le général en ordonnait parfois depuis la grève, sur le désir du préfet de Lille. Les grévistes exécraient ce fonctionnaire, auquel ils reprochaient de les avoir trompés par la promesse d’une intervention conciliante, qui se bornait, tous les huit jours, à faire défiler les troupes dans Montsou, pour les tenir en respect. Aussi, lorsque les dragons et les gendarmes reprirent tranquillement le chemin de Marchiennes, après s’être contentés d’assourdir les corons du trot de leurs chevaux sur la terre dure, les mineurs se moquèrent-ils de cet innocent de préfet, avec ses soldats qui tournaient lestalons, quand les choses allaient chauffer. Jusqu’à neuf heures, ils se firent du bon sang, l’air paisible, devant les maisons, tandis qu’ils suivaient des yeux, sur le pavé, les dos débonnaires des derniers gendarmes. Au fond de leurs grands lits, les bourgeois de Montsou dormaient encore, la tête dans la plume. A la Direction, on venait de voir madame Hennebeau partir en voiture, laissant monsieur Hennebeau au travail sans doute, car l’hôtel, clos et muet, semblait mort. Aucune fosse ne se trouvait gardée militairement, c’était l’imprévoyance fatale à l’heure du danger, la bêtise naturelle des catastrophes, tout ce qu’un gouvernement peut commettre de fautes, dès qu’il s’agit d’avoir l’intelligence des faits. Et neuf heures sonnaient, lorsque les charbonniers prirent enfin la route de Vandame, pour se rendre au rendez-vous décidé la veille, dans la forêt.