Germinal – 2008

Et Jean-Bart tomba brusquement à un grand silence. Pas un homme, pas un souffle. Deneulin sortit de la chambre des porions, et tout seul, défendant du geste qu’on le suivît, il visita la fosse. Il était pâle, très calme. D’abord, il s’arrêta devant le puits, leva les yeux, regarda les câbles coupés : les bouts d’acier pendaient inutiles, la morsure de la lime avait laissé une blessure vive, une plaie fraîche qui luisait dans le noir des graisses. Ensuite, il monta à la machine, en contempla la bielle immobile, pareille à l’articulation d’un membre colossal frappé de paralysie, en toucha le métal refroidi déjà, dont le froid lui donna un frisson, comme s’il avait touché un mort. Puis, il descendit aux chaudières, marcha lentement devant les foyers éteints, béants et inondés, tapa du pied sur les générateurs qui sonnèrent le vide. Allons ! c’étaitbien fini, sa ruine s’achevait. Même s’il raccommodait les câbles, s’il rallumait les feux, où trouverait-il des hommes ? Encore quinze jours de grève, il était en faillite. Et, dans cette certitude de son désastre, il n’avait plus de haine contre les brigands de Montsou, il sentait la complicité de tous, une faute générale, séculaire. Des brutes sans doute, mais des brutes qui ne savaient pas lire et qui crevaient de faim.