Germinal – 2056

C’était, cette fois, une course de cinq grands kilomètres. Un élan tel les charriait, qu’ils ne sentaient pas la fatigue atroce, leurs pieds brisés et meurtris. Toujours la queue s’allongeait, s’augmentait des camarades racolés en chemin, dans les corons. Quand ils eurent passé le canal au pont Magache, et qu’ils se présentèrent devant la Victoire, ils étaient deux mille. Mais trois heures avaient sonné, la sortie était faite, plus un homme ne restait au fond. Leur déception s’exhala en menaces vaines, ils ne purent que recevoir à coups de briques cassées les ouvriers de la coupe à terre, qui arrivaient prendre leur service. Il y eut une débandade, la fosse déserte leur appartint. Et, dans leur rage de n’avoir pas une face de traître à gifler, ils s’attaquèrent aux choses. Une poche de rancune crevait en eux, une poche empoisonnée, grossie lentement. Des années et des années de faim les torturaient d’une fringale de massacre et de destruction.