Germinal – 2170

Machinalement, monsieur Hennebeau, qui voulait voir, remonta au second étage, dans la chambre de Paul : c’était la mieux placée, à gauche, car elle permettait d’enfiler la route, jusqu’aux Chantiers de la Compagnie. Et il se tint derrière la persienne, dominant la foule. Mais cette chambre l’avait saisi de nouveau, la table de toilette épongée et en ordre, le lit froid, aux draps nets et bien tirés. Toute sa rage de l’après-midi, cette furieuse bataille au fond du grand silence de sa solitude, aboutissait maintenant à une immense fatigue. Son être était déjà comme cette chambre, refroidi, balayé des ordures dumatin, rentré dans la correction d’usage. A quoi bon un scandale ? est-ce que rien était changé chez lui ? Sa femme avait simplement un amant de plus, cela aggravait à peine le fait, qu’elle l’eût choisi dans la famille ; et peut-être même y avait-il avantage, car elle sauvegardait ainsi les apparences. Il se prenait en pitié, au souvenir de sa folie jalouse. Quel ridicule, d’avoir assommé ce lit à coups de poing ! Puisqu’il avait toléré un autre homme, il tolérerait bien celui-là. Ce ne serait que l’affaire d’un peu de mépris encore. Une amertume affreuse lui empoisonnait la bouche, l’inutilité de tout, l’éternelle douleur de l’existence, la honte de lui-même, qui adorait et désirait toujours cette femme, dans la saleté où il l’abandonnait.