Germinal – 2227

La voiture n’ayant pu dépasser la ruelle de Réquillart, au milieu des groupes menaçants, Négrel avait suivi son idée, faire à pied les cent mètres qui les séparaient de l’hôtel, puis frapper à la petite porte donnant sur le jardin, près des communs : le jardinier les entendrait, il y aurait bien toujours là quelqu’un pour ouvrir. Et, d’abord, les choses avaient marché parfaitement, déjà madame Hennebeau et ces demoiselles frappaient, lorsque des femmes, prévenues, se jetèrent dans la ruelle. Alors, tout se gâta. On n’ouvrait pas la porte, Négrel avait tâché vainement de l’enfoncer à coups d’épaule. Le flot des femmes croissait, il craignit d’être débordé, il prit le parti désespéré de pousser devant lui sa tante et les jeunes filles, pour gagner le perron, au travers des assiégeants. Mais cette manœuvre amena une bousculade : on ne les lâchait pas, une bande hurlante les traquait, tandis que la foule refluait de droite et de gauche, sans comprendre encore, étonnée seulement de ces dames en toilette, perdues dans la bataille. A cette minute, la confusion devint telle, qu’il se produisit un de ces faits d’affolement qui restent inexplicables. Lucie et Jeanne, arrivées au perron, s’étaient glissées par la porte que la femme de chambre entrebâillait ; madame Hennebeau avait réussi à les suivre ; et, derrière elles, Négrel entra enfin, remit lesverrous, persuadé qu’il avait vu Cécile passer la première. Elle n’était plus là, disparue en route, emportée par une telle peur, quelle avait tourné le dos à la maison, et s’était jetée d’elle-même en plein danger.