Germinal – 2311

Souvent, au coude d’un chemin, Etienne s’arrêtait, dans la nuit glacée, pour écouter pleuvoir les décombres. Il respirait fortement les ténèbres, une joie du néant le prenait, un espoir que le jour se lèverait sur l’extermination du vieux monde, plus une fortune debout, le niveau égalitaire passé comme une faux, au ras du sol. Mais les fosses de la Compagnie surtout l’intéressaient, dans ce massacre. Il se remettait en marche, aveuglé d’ombre, il les visitait les unes après les autres, heureux quand il apprenait quelque nouveau dommage. Des éboulements continuaient à se produire, d’une gravité croissante, à mesure que l’abandon des voies se prolongeait. Au-dessus de la galerie nord de Mirou, l’affaissement du sol gagnait tellement, que la route de Joiselle, sur un parcours de cent mètres, s’était engloutie, comme dans la secousse d’un tremblement de terre ; et laCompagnie, sans marchander, payait leurs champs disparus aux propriétaires, inquiète du bruit soulevé autour de ces accidents. Crèvecœur et Madeleine, de roche très ébouleuse, se bouchaient de plus en plus. On parlait de deux porions ensevelis à la Victoire ; un coup d’eau avait inondé Feutry-Cantel ; il faudrait murailler un kilomètre de galerie à Saint-Thomas, où les bois, mal entretenus, cassaient de toutes parts. C’étaient ainsi, d’heure en heure, des frais énormes, des brèches ouvertes dans les dividendes des actionnaires, une rapide destruction des fosses, qui devait finir, à la longue, par manger les fameux deniers de Montsou, centuplés en un siècle.