Germinal – 2396

Souvent, il arrivait ainsi, à la nuit noire. Les Maheu, dès le second jour, avaient appris sa retraite. Mais ils gardaient le secret, personne dans le coron ne savait au juste ce qu’était devenu le jeune homme. Cela l’entourait d’une légende. On continuait à croire en lui, des bruits mystérieux couraient : il allait reparaître avec une armée, avec des caisses pleines d’or ; et c’était toujours l’attente religieuse d’un miracle, l’idéal réalisé, l’entrée brusque dans la cité de justice qu’il leur avait promise. Les uns disaient l’avoir vu au fond d’une calèche, en compagnie de trois messieurs, sur la route de Marchiennes ; d’autres affirmaient qu’il était encore pour deux jours en Angleterre. A la longue, cependant, la méfiance commençait, des farceurs l’accusaient de se cacher dans une cave, où la Mouquette lui tenait chaud ; car cette liaison connue lui avait fait du tort. C’était, au milieu de sa popularité, une lente désaffection, la sourde poussée des convaincus pris de désespoir, et dont le nombre, peu à peu, devait grossir.