Germinal – 2574

Le jour parut. Catherine venait de reconnaître le dos de Chaval qui tournait prudemment le terri, lorsqu’elle aperçut Lydie et Bébert, sortant le nez de leur cachette, sous la provision des bois. Ils y avaient passé la nuit aux aguets, sans se permettre de rentrer chez eux, du moment où l’ordre de Jeanlin était de l’attendre ; et, tandis que ce dernier, à Réquillart, cuvait l’ivresse de son meurtre, les deux enfants s’étaient pris aux bras l’un de l’autre, pour avoir chaud. Le vent sifflait entre les perches dechâtaignier et de chêne, ils se pelotonnaient, comme dans une hutte de bûcheron abandonnée. Lydie n’osait dire à voix haute ses souffrances de petite femme battue, pas plus que Bébert ne trouvait le courage de se plaindre des claques dont le capitaine lui enflait les joues ; mais, à la fin, celui-ci abusait trop, risquant leurs os dans des maraudes folles, refusant ensuite tout partage ; et leur cœur se soulevait de révolte, ils avaient fini par s’embrasser, malgré sa défense, quittes à recevoir une gifle de l’invisible, ainsi qu’il les en menaçait. La gifle ne venant pas, ils continuaient de se baiser doucement, sans avoir l’idée d’autre chose, mettant dans cette caresse leur longue passion combattue, tout ce qu’il y avait en eux de martyrisé et d’attendri. La nuit entière, ils s’étaient ainsi réchauffés, si heureux au fond de ce trou perdu, qu’ils ne se rappelaient pas l’avoir été davantage, même à la Sainte-Barbe, quand on mangeait des beignets et qu’on buvait du vin.