Germinal – 2638

Ce fut la Brûlé qui se campa la première. Elle cassait les briques, sur l’arête maigre de son genou, et de la main droite, et de la main gauche, elle lâchait les deux morceaux. La Levaque se démanchait les épaules, si grosse, si molle, qu’elle avait dû s’approcher pour taper juste, malgré les supplications de Bouteloup, qui la tirait en arrière, dans l’espoir de l’emmener, maintenant que le mari était à l’ombre. Toutes s’excitaient, la Mouquette, ennuyée de se mettre en sang, à rompre les briques sur ses cuisses trop grasses, préférait les lancer entières. Des gamins eux-mêmes entraient en ligne, Bébert montrait à Lydie comment on envoyait ça, par-dessous le coude. C’était une grêle, des grêlons énormes, dont on entendait les claquements sourds. Et, soudain, au milieu de ces furies, on aperçut Catherine, les poings en l’air, brandissant elle aussi des moitiés de brique, les jetant de toute la force de ses petits bras. Elle n’aurait pu dire pourquoi, elle suffoquait, elle crevait d’une envie de massacrer le monde. Est-ce que ça n’allait pas être bientôt fini, cette sacrée existence de malheur ? Elle en avait assez, d’être giflée et chassée par son homme, de patauger ainsi qu’un chien perdu dans la boue des chemins, sans pouvoir seulement demander une soupe à son père, en train d’avaler sa langue comme elle. Jamais ça ne marchait mieux, ça se gâtait au contraire depuis quelle se connaissait ; et elle cassait des briques, et elle les jetait devant elle, avec la seule idée de balayer tout, les yeux siaveuglés de sang, qu’elle ne voyait même pas à qui elle écrasait les mâchoires.