Vers le commencement du dernier siècle, un coup de folie s’était déclaré, de Lille à Valenciennes, pour la recherche de la houille. Les succès des concessionnaires, qui devaient plus tard former la Compagnie d’Anzin, avaient exalté toutes les têtes. Dans chaque commune, on sondait le sol ; et les sociétés se créaient, et les concessions poussaient en une nuit. Mais, parmi les entêtés de l’époque, le baron Desrumaux avait certainement laissé la mémoire de l’intelligence la plus héroïque. Pendant quarante années, il s’était débattu sans faiblir, au milieu de continuels obstacles : premières recherches infructueuses, fosses nouvelles abandonnées au bout de longs mois de travail, éboulements quicomblaient les trous, inondations subites qui noyaient les ouvriers, centaines de mille francs jetés dans la terre ; puis, les tracas de l’administration, les paniques des actionnaires, la lutte avec les seigneurs terriens, résolus à ne pas reconnaître les concessions royales, si l’on refusait de traiter d’abord avec eux. Il venait enfin de fonder la société Desrumaux, Fauquenoix et Cie, pour exploiter la concession de Montsou, et les fosses commençaient à donner de faibles bénéfices, lorsque deux concessions voisines, celle de Cougny, appartenant au comte de Cougny, et celle de Joiselle, appartenant à la société Cornille et Jenard, avaient failli l’écraser sous le terrible assaut de leur concurrence. Heureusement, le 25 août 1760, un traité intervenait entre les trois concessions et les réunissait en une seule. La Compagnie des mines de Montsou était créée, telle qu’elle existe encore aujourd’hui. Pour la répartition, on avait divisé, d’après l’étalon de la monnaie du temps, la propriété totale en vingt-quatre sous, dont chacun se subdivisait en douze deniers, ce qui faisait deux cent quatre-vingt-huit deniers ; et, comme le denier était de dix mille francs, le capital représentait une somme de près de trois millions. Desrumaux, agonisant, mais vainqueur, avait eu, dans le partage, six sous et trois deniers.