Germinal – 858

Pourtant, un gardien habitait là, le vieux Mouque, auquel la Compagnie abandonnait, presque sous le beffroi détruit, deux pièces, que la chute attendue des dernières charpentes menaçait d’un continuel écrasement. Il avait même dû étayer une partie du plafond ; et il y vivait très bien, en famille, lui et Mouquet dans une chambre, la Mouquette dans l’autre. Comme les fenêtres n’avaient plus une seule vitre, il s’était décidé à les boucher en clouant des planches : on ne voyait pas clair, mais il faisait chaud. Du reste, ce gardien ne gardait rien, allait soigner ses chevaux au Voreux, ne s’occupait jamais des ruines de Réquillart, dont on conservait seulement le puits pour servir de cheminée à un foyer, qui aérait la fosse voisine.Et c’était ainsi que le père Mouque achevait de vieillir, au milieu des amours. Dès dix ans, la Mouquette avait fait la culbute dans tous les coins des décombres, non en galopine effarouchée et encore verte comme Lydie, mais en fille déjà grasse, bonne pour des garçons barbus. Le père n’avait rien à dire, car elle se montrait respectueuse, jamais elle n’introduisait un galant chez lui. Puis, il était habitué à ces accidents-là. Quand il se rendait au Voreux ou qu’il en revenait, chaque fois qu’il sortait de son trou, il ne pouvait risquer un pied, sans le mettre sur un couple, dans l’herbe ; et c’était pis, s’il voulait ramasser du bois pour sa soupe, ou chercher des glaiterons pour son lapin, à l’autre bout du clos : alors, il voyait se lever, un à un, les nez gourmands de toutes les filles de Montsou, tandis qu’il devait se méfier de ne pas buter contre les jambes, tendues au ras des sentiers. D’ailleurs, peu à peu, ces rencontres-là n’avaient plus dérangé personne, ni lui qui veillait simplement à ne pas tomber, ni les fines qu’il laissait achever leur affaire, s’éloignant à petits pas discrets, en brave homme paisible devant les choses de la nature. Seulement, de même qu’elles le connaissaient à cette heure, lui avait également fini par les connaître, ainsi que l’on connaît les pies polissonnes qui se débauchent dans les poiriers des jardins. Ah ! cette jeunesse, comme elle en prenait, comme elle se bourrait ! Parfois, il hochait le menton avec des regrets silencieux, en se détournant des gaillardes bruyantes, soufflant trop haut, au fond des ténèbres. Une seule chose lui causait de l’humeur : deux amoureux avaient pris la mauvaise habitude de s’embrasser contre le mur de sa chambre. Ce n’était pasque ça l’empêchât de dormir, mais ils poussaient si fort, qu’à la longue ils dégradaient le mur.