Germinal – 904

Les premières semaines, Etienne l’avait trouvé d’une réserve farouche. Aussi ne connut-il son histoire que plus tard. Souvarine était le dernier-né d’une famille noble du gouvernement de Toula. A Saint-Pétersbourg, où il faisait sa médecine, la passion socialiste qui emportait alors toute la jeunesse russe l’avait décidé à apprendre un métier manuel, celui de mécanicien, pour se mêler au peuple, pour le connaître et l’aider en frère. Et c’était de ce métier qu’il vivait maintenant, après s’être enfui à la suite d’un attentat manqué contre la vie de l’empereur : pendant un mois, il avait vécu dans la cave d’un fruitier, creusant une mine au travers de la rue, chargeant des bombes, sous la continuelle menace de sauter avec la maison. Renié par sa famille, sans argent, mis comme étranger à l’index des ateliers français qui voyaient en lui un espion, il mourait de faim, lorsque la Compagnie de Montsou l’avait enfin embauché, dans une heure de presse. Depuis un an, il y travaillait en bon ouvrier, sobre, silencieux, faisant une semaine le service de jour et une semaine le service de nuit, si exact, que les chefs le citaient en exemple.