Alors, en arrivant devant le débit de la Tête-Coupée, Chaval eut l’idée d’y faire entrer son amoureuse, pourassister à un concours de pinsons, affiché sur la porte depuis huit jours. Quinze cloutiers, des clouteries de Marchiennes, s’étaient rendus à l’appel, chacun avec une douzaine de cages ; et les petites cages obscures, où les pinsons aveuglés restaient immobiles, se trouvaient déjà accrochées à une palissade, dans la cour du cabaret. Il s’agissait de compter celui qui, pendant une heure, répéterait le plus de fois la phrase de son chant. Chaque cloutier, avec une ardoise, se tenait près de ses cages, marquant, surveillant ses voisins, surveillé lui-même. Et les pinsons étaient partis, les « chichouïeux » au chant plus gras, les « batisecouics » d’une sonorité aiguë, tout d’abord timides, ne risquant que de rares phrases, puis s’excitant les uns les autres, pressant le rythme, puis emportés enfin d’une telle rage d’émulation, qu’on en voyait tomber et mourir. Violemment, les cloutiers les fouettaient de la voix, leur criaient en wallon de chanter encore, encore, encore un petit coup ; tandis que les spectateurs, une centaine de personnes, demeuraient muets, passionnés, au milieu de cette musique infernale de cent quatre-vingts pinsons répétant tous la même cadence, à contretemps. Ce fut un « batisecouic » qui gagna le premier prix, une cafetière en fer battu.