Germinal – 998

Les soirs de ducasse, on terminait la fête au bal du Bon-Joyeux. C’était la veuve Désir qui tenait ce bal, une forte mère de cinquante ans, d’une rotondité de tonneau, mais d’une telle verdeur, qu’elle avait encore six amoureux, un pour chaque jour de la semaine, disait-elle, et les six à la fois le dimanche. Elle appelait tous les charbonniers ses enfants, attendrie à l’idée du fleuve de bière qu’elle leur versait depuis trente années ; et elle se vantait aussi que pas une herscheuse ne devenait grosse, sans s’être, à l’avance, dégourdi les jambes chez elle. Le Bon-Joyeux se composait de deux salles : le cabaret, où se trouvaient le comptoir et des tables ; puis, communiquant de plain-pied par une large baie, le bal, vaste pièce planchéiée au milieu seulement, dallée de briques autour. Une décoration l’ornait, deux guirlandes de fleurs en papier qui se croisaient d’un angle à l’autre du plafond, et que réunissait, au centre, une couronne des mêmes fleurs ; tandis que, le long des murs, saignaient des écussons dorés, portant des noms de saints, saint Eloi, patron des ouvriers du fer, saint Crépin, patron des cordonniers, sainte Barbe, patronne des mineurs, tout le calendrier des corporations. Le plafond était si bas, que les trois musiciens, dans leur tribune, grande comme une chaire à prêcher, s’écrasaient la tête. Pour éclairer, le soir, on accrochait quatre lampes à pétrole, aux quatre coins du bal.