La Débâcle – 1028

D’ailleurs, la curiosité de Delaherche était si vive, si agitée, qu’il en devenait brave. Lui, n’avait pas fermé l’œil, très intéressé par les préparatifs de défense. Prévenu qu’il serait attaqué dès l’aube, le général Lebrun, qui commandait le 12e corps, venait d’employer la nuit à se retrancher dans Bazeilles, dont il avait l’ordre d’empêcher à tout prix l’occupation. Des barricades barraient la route et les rues ; des garnisons de quelques hommes occupaient toutes les maisons ; chaque ruelle, chaque jardin se trouvait transformé en forteresse. Et, dès trois heures, dans la nuit d’encre, les troupes, éveillées sans bruit, étaient à leurs postes de combat, les chasse-pots fraîchement graissés, les cartouchières emplies des quatre-vingt-dix cartouches réglementaires. Aussi, le premier coup de canon de l’ennemi n’avait-il surpris personne, et les batteries françaises, établies en arrière, entre Balan et Bazeilles, s’étaient-elles mises aussitôt à répondre, pour faire acte de présence, car elles tiraient simplement au jugé, dans le brouillard.