La Débâcle – 1540

D’autres maisons s’allumaient, Bazeilles n’allait plus être qu’un brasier. Par les hautes fenêtres de l’église, des gerbes de flammes commençaient à sortir. Des soldats, qui chassaient une vieille dame de chez elle, venaient de la forcer à leur donner des allumettes, pour mettre le feu à son lit et à ses rideaux. De proche en proche, les incendies gagnaient, sous les brandons de paille jetés, sous les flots de pétrole répandus ; et ce n’était plus qu’une guerre de sauvages, enragés par la longueur de la lutte, vengeant leurs morts, leurs tas de morts, sur lesquels ils marchaient. Des bandes hurlaient parmi la fumée et les étincelles, dans l’effrayant vacarme fait de tous les bruits, des plaintes d’agonie, des coups de feu, des écroulements. A peine se voyait-on, de grandes poussières livides s’envolaient, cachaient le soleil, d’une insupportable odeur de suie et de sang, comme chargées des abominations du massacre. On tuait encore, on détruisait dans tous les coins : la brute lâchée, l’imbécile colère, la folie furieuse de l’homme en train de manger l’homme.