La Débâcle – 1695

Maurice, alors, comprit l’étreinte lente, invincible, qui achevait de s’accomplir. Le matin, il avait vu les Prussiens déboucher par le défilé de Saint-Albert, gagner Saint-Menges, puis Fleigneux ; et, maintenant, derrière le bois de la Garenne, il entendait tonner les canons de la garde, il commençait à apercevoir d’autres uniformes allemands, qui arrivaient par les coteaux de Givonne. Encore quelques minutes, et le cercle se fermerait, et la garde donnerait la main au Ve corps, enveloppant l’armée française d’un mur vivant, d’une ceinture foudroyante d’artillerie. Ce devait être dans la pensée désespérée de faire un dernier effort, de chercher à rompre cette muraille en marche, qu’une division de la cavalerie de réserve, celle du général Margueritte, se massait derrière un pli de terrain, prête à charger. On allait charger à la mort, sans résultat possible, pour l’honneur de la France. Et Maurice, qui pensait à Prosper, assista au terrible spectacle.