La Débâcle – 1804

Delaherche, cependant, tâchait de parler au major, afin d’obtenir, pour le capitaine, un tour de faveur.Bouroche venait d’entrer dans la salle, avec son tablier sanglant, sa large face en sueur, que sa crinière léonine semblait incendier ; et, sur son passage, les hommes se soulevaient, voulaient l’arrêter, chacun brûlant de passer tout de suite, d’être secouru et de savoir : ” A moi, monsieur le major, à moi ! ” Des balbutiements de prière le suivaient, des doigts tâtonnants effleuraient ses vêtements. Mais lui, tout à son affaire, soufflant de lassitude, organisait son travail, sans écouter personne. Il se parlait à voix haute, il les comptait du doigt, leur donnait des numéros, les classait : celui-ci, celui-là, puis cet autre ; un, deux, trois ; une mâchoire, un bras, une cuisse ; tandis que l’aide qui l’accompagnait, tendait l’oreille, pour tâcher de se souvenir.