La Débâcle – 1811

Cette fois, il s’agissait de la désarticulation d’une épaule, d’après la méthode de Lisfranc, ce que leschirurgiens appelaient une jolie opération, quelque chose d’élégant et de prompt, en tout quarante secondes à peine. Déjà, on chloroformait le patient, pendant qu’un aide lui saisissait l’épaule à deux mains, les quatre doigts sous l’aisselle, le pouce en dessus. Alors, Bouroche, armé du grand couteau long, après avoir crié : ” Asseyez-le ! ” empoigna le deltoïde, transperça le bras, trancha le muscle ; puis, revenant en arrière, il détacha la jointure d’un seul coup ; et le bras était tombé, abattu en trois mouvements. L’aide avait fait glisser ses pouces, pour boucher l’artère humérale. ” Recouchez-le ! ” Bouroche eut un rire involontaire en procédant à la ligature, car il n’avait mis que trente-cinq secondes. Il ne restait plus qu’à rabattre le lambeau de chair sur la plaie, ainsi qu’une épaulette à plat. Cela était joli, à cause du danger, un homme pouvant se vider de tout son sang en trois minutes par l’artère humérale, sans compter qu’il y a péril de mort, chaque fois qu’on assoit un blessé, sous l’action du chloroforme.