La Débâcle – 1942

Ah ! le bois scélérat, la forêt massacrée, qui, au milieu du sanglot des arbres expirants, s’emplissait peu à peu de la détresse hurlante des blessés ! Au pied d’un chêne, Maurice et Jean aperçurent un zouave qui poussait un cri continu de bête égorgée, les entrailles ouvertes. Plus loin, un autre était en feu : sa ceinture bleue brûlait, la flamme gagnait et grillait sa barbe ; tandis que, les reins cassés sans doute, ne pouvant bouger, il pleurait à chaudes larmes. Puis, c’était un capitaine, le bras gauche arraché, le flanc droit percé jusqu’à la cuisse, étalé sur le ventre, qui se traînait sur les coudes, en demandant qu’on l’achevât, d’une voix aiguë, effrayante de supplication. D’autres, d’autres encore souffraient abominablement, semaient les sentiers herbus en si grand nombre, qu’il fallait prendre garde, pour ne pas les écraser au passage. Mais les blessés, les morts ne comptaient plus. Le camarade qui tombait était abandonné, oublié. Pas même un regard en arrière. C’était le sort. A un autre, à soi peut-être !